L’Economie Sacrée — l’argent, le don et la société dans une ère de transition

Charles Eisenstein est le penseur qui m’a permis de passer d’une époque de ma vie où je me concentrais exclusivement sur la spiritualité à une phase où j’intégrais également dans ma réflexion la sphère économique et sociale, la construction matérielle du monde de demain. Il fait œuvre de pont et je reste une indéfectible de son discours qui fait la jonction entre deux communautés qui, jusqu’à il y a peu, se regardaient de loin. Comme il le dit dans cette conférence donnée à Vancouver en 2012 : « Les militants disaient, « Hé, vous êtes assis sur votre coussin de méditation pendant que le monde brûle. Levez-vous de là et faites quelque chose de concret. » Et les méditants disaient: « Comment pouvez vous savoir quoi faire? Comment pouvez-vous être certains que vous n’êtes pas en train de combattre vos propres ombres? ».« 

J’ai choisi de traduire dans son intégralité la transcription de cette conférence qui figure sur son blog car elle me semble rassembler les principales thèses qui lui sont chères, et j’offre ce travail pour faire connaître sa pensée radicale et fédératrice à ceux qui ne ne le connaîtraient pas encore (d’autres essais de lui sont disponibles dans la section Traductions). Le texte est long mais agréable à lire. Je vous invite à prendre un café (équitable!) et à plonger.

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Transcription de la conférence de Charles Eisenstein du 3 Janvier 2012 à « The Hive », Vancouver, Canada.

Merci pour votre accueil. Je suis assez ébahi en fait. Je ne pense pas avoir jamais parlé devant un groupe aussi grand venu spécialement pour moi. J’ai parlé à des assemblées plus grandes, mais qui n’étaient pas là que pour moi. Une part de moi n’y croit pas encore. Surtout que l’an dernier j’ai donné une conférence avec le même titre à New York et il y avait 6 personnes !

Cela me permet de réaliser combien ceci est un un don. Je n’ai rien fait de spécialement différent. Je ne l’ai pas provoqué. Je n’ai pas fait davantage d’efforts pour qu’il y ait 200 personnes au lieu de 6. Mais cela s’est produit de manière mystérieuse. En fait ce n’est pas si mystérieux; je pourrais dire que c’est grâce à Natasha — mais comment en a-t-elle entendu parler ? Je suis très conscient du fait que je ne peux rien créer par moi-même, que tout ce que je crée l’est grâce aux dons que j’ai reçus et que je peux transmettre.

Donc merci. Et il se trouve que la gratitude est la base de l’économie sacrée.

C’est une idée très ancienne que l’univers fonctionne selon les principes du don; que la vie humaine fonctionne selon les principes du don, et qu’en fait le but de notre existence, notre raison d’être, est de donner. Que chacun a un don important et significatif, et peut-être même unique et essentiel. Cela est très certainement vrai dans un écosystème où chaque espèce a une fonction vitale, et sans cette fonction, sans ce don qu’elle fait à l’écosystème, tout le monde serait un peu plus pauvre. Le système dans son ensemble serait moins robuste.

Ceci est une prise de conscience qui n’a que 40 ou 50 ans, au moins en occident. Il y a un siècle, ou même 50 ans, les scientifiques pensaient que l’on pouvait éliminer une espèce, et même éliminer toutes les espèces nuisibles, et rendre la nature meilleure. Nous comprenons à présent que chaque être a un don à apporter, et ce changement de perception n’a pas encore intégré nos institutions.

Mon livre, L’Economie Sacrée, parle de la manière de créer une économie qui reflète la nature fondamentale de l’univers, qui est le don. Il parle aussi de la manière dont nous pouvons vivre — pas seulement dans un futur hypothétique, mais en démarrant dès maintenant — en accord avec les principes du don.

Je proclame quelque part que vous êtes ici pour donner, et que vous avez un don unique à apporter. Certains d’entre vous ont peut-être vécu l’expérience d’occuper un emploi où le salaire était bon, sûr, mais pour une raison obscure, vous n’étiez pas heureux au travail. Vous n’étiez pas épanouis parce que vos dons ne s’exprimaient pas. Et vous avez peut-être ressenti, « Je n’ai pas été mis sur Terre pour faire ça. » Les boulots ingrats ne sont d’ailleurs pas les seuls à procurer ce sentiment. J’ai rencontré des personnes avec des salaires annuels à 6 ou 7 chiffres qui ressentaient la même chose: « Je n’ai pas été mis sur Terre pour maximiser un chiffre. » C’est ce que beaucoup d’emplois proposent. Les emplois dans la finance sont de ce type — essayer de faire grossir un chiffre sur un ordinateur. Ou bien des cadres en marketing qui tentent de faire grimper le cours d’une action, ou une entreprise où l’on essaye de faire grimper le profit. « Est-ce que j’ai été réellement mis sur Terre pour faire ça ? »

Il faut non seulement exprimer vos dons, et également que cela soit dans une but qui fait du sens à vos yeux, que vous trouvez beau. Peu importe le salaire, vous ne serez pas heureux tant que vous ne le ferez pas.

L’économie classique ne comprend pas cela. Elle dit que les être humains ne veulent pas vraiment travailler. Il y a une expression en économie qui est: « la désutilité du travail ». Les êtres humains ne veulent pas travailler, donc il faut inciter les gens à travailler avec des avantages, avec cet argent qui permet que vous surmontiez votre manque de propension à créer, à être productif, et à donner quelque chose aux autres. Il vous faut obtenir quelque chose en échange, sinon, vous n’allez pas vouloir le faire. Et on considère qu’il est bénéfique d’avoir un système basé sur la rareté, qui crée de l’anxiété, qui vous force en quelque sorte à travailler.

J’étais récemment à une réunion de gens d’Occupy, et une personne a raconté une anecdote qu’elle avait adoré. Chaque fois que quelqu’un quittait un projet pour se rendre ailleurs, quelqu’un d’autre prenait le relais. On avait démarré une bibliothèque par exemple, et quand on revenait deux jours après, quelqu’un d’autre s’en était occupé. Tout le monde faisait les choses parce qu’il en avait envie, et aucun argent ne circulait. C’était une expression de la nature humaine. Si on se rend à Burning Man ou à un événement du même genre, on ressent que c’est ainsi que les hommes sont censés vivre. Si vous êtes étrangers dans une ville et que vous vous promenez et demandez votre chemin, les gens sont contents de vous aider. Ils vont même faire un détour pour vous accompagner. Pourquoi? Une des raisons est que, dans la société actuelle, nous avons si peu l’opportunité de donner. Pourtant nous en avons profondément envie (le livre ne parle pas que des dons, mais il se trouve que je démarre par ça aujourd’hui).

L’une des choses que les dons créent ce sont des liens entre les gens — ce qui est différent d’une transaction financière. Si je vous achète quelque chose, je vous donne l’argent, vous me donnez l’objet, et nous n’avons plus de relation ensuite. La transaction est achevée. Par contre si vous me donnez quelque chose, ce n’est plus pareil, car à présent je ressens que je vous dois quelque chose. Cela pourrait être un sentiment d’obligation; ou bien on peut aussi dire que c’est un sentiment de gratitude. Qu’est-ce que la gratitude? La gratitude est la reconnaissance que vous avez reçu, et le désir de donner en retour. Et c’est pour cela que notre impulsion est de donner. Parce que tout ce que nous recevons est un don. Notre vie est un don. L’air que nous respirons: nous n’avons pas eu à le gagner. Nous n’avons pas gagné le fait de naître. Nous n’avons pas gagné la nourriture. Nous n’avons pas gagné le fait que les graines poussent. Tout ce que nous avons est un don. Même chaque respiration que nous prenons. Nous n’avons pas eu à gagner les algues qui créent l’air. Par conséquent, notre état naturel, notre état par défaut, est la gratitude. Notre état par défaut est un désir de donner, un désir d’être généreux. Vous pouvez sentir ce désir émerger, mais ensuite quelque chose vous empêche d’être aussi généreux que vous le souhaiteriez.

Il y a une petite voix qui nous empêche de donner dans beaucoup de situations, qui dit « Est-ce que je peux me le permettre? » « J’aimerais passer plus de temps à faire du bénévolat au refuge pour animaux, mais est-ce que j’ai les moyens d’y passer autant de temps ? » L’argent nous arrête. Dans bon nombre de cas — pas tous, mais souvent, ce que nous voulons donner au monde n’est pas ce qui rapporte de l’argent. Pourquoi donc ? Où se trouve l’argent? Mettons que vous vouliez vous consacrer à sauver les forêts anciennes de l’abattage, comme cela risque de se produire sur certaines des îles côtières ici. Est-ce que ça rapporte? Et les personnes qui se consacrent à empêcher que cela n’arrive, elles le font pour devenir riches n’est-ce pas ? Elles sont là uniquement pour l’argent, non? Evidement que non. Mais les personnes qui abattent les arbres, ou les lobbyistes au Parlement qui essayent de faciliter l’abattage, est-ce parce qu’elles ont une passion pour raser les forêts, et qu’elles le feraient même si il n’y avait aucun argent à la clef? Evidement que non. Enfin, peu-être quelques tordus…Mais pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi l’argent devrait-il être une force qui pousse à abattre les forêts au lieu de permettre leur préservation? Pourquoi considérons-nous qu’une de ces options a de la valeur et pas l’autre?

L’argent est juste une convention. L’argent n’a de valeur que parce que les gens croient qu’il en a. C’est quelque chose que nous créons par convention entre nous. On peut dire que l’argent est une histoire. Ce sont les symboles que nous interprétons d’une certaine manière, qui veut dire qu’ils ont de la valeur. Pourquoi avons-nous créé un système qui est l’ennemi des belles choses que nous voulons faire? Je généralise un petit peu ici, mais d’une manière générale, ce ne sont pas les choses qui rapportent. Et si vous observez n’importe quel mécanisme sur Terre qui vous dérange, et que vous descendez d’un niveau ou deux, « Pourquoi est-ce que cela se passe comme ça? », assez vite vous arrivez à l’argent. Pourquoi cela devrait-il être ainsi? Pourquoi le pouvoir de l’argent nous pousse-t-il vers la destruction de tout ce qui est bon et beau?

Nous avons tellement l’habitude que cela soit ainsi qu’il est difficile d’imagine un monde différent.

Et donc nous pensons que l’argent est mauvais, que quelqu’un de bon ou de spirituel ne devrait pas être motivé par l’argent, et peut-être ne devrait rien à voir avec l’argent. Nous pensons peut-être que ce monde de commerce, ce monde de chair, ce monde de la matière est mauvais, grossier, dégénéré. Nous pensons peut-être que la vertu et la spiritualité signifient se retirer de ce monde et ne plus rien à voir avec lui. Mais c’est seulement à cause de la manière dont fonctionne l’argent aujourd’hui.

Une des choses que je fais dans le livre c’est identifier exactement ce qui dans l’argent le rend ainsi. Certains d’entre vous se disent peut-être, « Et bien moi je gagne beaucoup d’argent et je suis quelqu’un de bien. » Et cela peut arriver. Décider si vous êtes en train d’exprimer votre don n’en revient pas à calculer votre empreinte carbone ou à se demander: « Qu’est-ce que ceci va avoir comme conséquence, et qu’est-ce que cela va avoir comme conséquence? » Il s’agit vraiment d’un sentiment de confiance. C’est un ressenti au réveil — ce sentiment d’avoir hâte de démarrer sa journée et de penser: « Oui, c’est pour faire cela que je suis venu sur Terre. » Et toutes les fois où ce ressenti vous guide, c’est la bonne direction. Ceci est une révolution bien plus profonde que l’idée selon laquelle « Je vais devoir surmonter quelque chose de mauvais qui m’habite ».

L’idée de « conquérir le mal » date d’à peu près 3000 ans, et les résultats n’ont pas été brillants. Cela prend plusieurs formes. Cela fait partie d’un des récits fondamentaux qui porte le récit de l’argent. Ce n’est pas juste une coïncidence que l’argent soit tel qu’il est. Cela grandit sur le terreau des mythes invisibles, les récits invisibles qui créent notre civilisation. Je vais les aborder plus loin mais auparavant je voudrais souligner un autre point.

J’ai mentionné le fait que les transactions monétaires ne créent pas de lien, mais que les transactions sous forme de don le font. C’est une des raisons pour lesquelles les dons sont sacrés, et nous le comprenons tous plus ou moins. Nous faisons parfois de l’échange de cadeau un rituel. Nous comprenons que c’est une action spéciale. Les sociétés primitives ne fonctionnaient qu’avec les économies du don, si on remonte assez loin (et non, pas le troc — les sociétés primitives n’utilisaient pas le troc). Dans une société du don, refuser un don était considéré comme un acte hostile car il disait, » Je ne veux pas être lié à vous. Je ne veux pas de relation avec vous. Je ne veux pas vous devoir quelque chose. Je ne veux pas faire partie de votre cercle. »

Les dons créent des cercles. Un des principes de base de l’écologie est « le déchet est nourriture ». Tout ce qui est produit est utile à un autre être vivant, et au final vous revient. Une économie du don est similaire. Parce que vous avez plus que ce dont vous avez besoin, vous le partagez avec quelqu’un, vous le donnez à quelqu’un qui en a besoin. Et cette personne va ressentir de la gratitude, peut-être à votre égard, ou à l’égard de la communauté. Quand cette personne aura plus que ce dont elle a besoin, elle le passera a quelqu’un d’autre, et au final cela va vous revenir. Voyant ce déroulement, vous comprenez que la fortune de quelqu’un d’autre est aussi la vôtre, et vous n’êtes pas en compétition; et aucunement parce que vous vous êtes sacrifié. C’est simplement la manière dont les choses fonctionnent.

Donc, dans ce genre de société, si vous souhaitez la richesse, si vous voulez la sécurité, si vous voulez un statut social, la seule manière c’est de donner beaucoup. Dans ces sociétés c’est la personne la plus généreuse qui est la plus riche. Si l’argent est l’inverse du don, si il crée l’effet opposé, pas étonnant que dans notre société la richesse n’est pas fonction de combien vous avez donné. Chez nous, la sécurité n’est pas fonction de combien vous avez donné, elle est fonction de combien vous contrôlez, de combien vous avez accumulé.

Qu’est ce qui dans l’argent le met à l’opposé du don? Pourquoi devrait-il être mauvais?

A la base, l’argent est une chose magnifique: il dit: « Je veux te donner quelque chose et tu n’as rien dont j’ai besoin maintenant. Donc, à la place, donne-moi quelque chose qui ne sert à rien. C’est joli, c’est juste un morceau de métal brillant. Cela ne sert à rien, mais cela facilite les choses et montre ta gratitude. » Comment cela s’est-il métamorphosé en société où il y a tellement de choses que les gens veulent donner et tellement de gens qui ont besoin de ces choses? Regardez tous ces sans-abris à Vancouver. Il y a tous ces sans-abris d’un côté et tous ces immeubles vacants de l’autre. Pourquoi est-ce que l’argent ne connecte pas ces dons et ces besoins?

Je vais vous donner une très brève explication de la raison pour laquelle l’argent fonctionne ainsi. C’est une explication partielle, mais elle couvre une bonne partie de ce qui compte. Elle est fondamentale par rapport à ce qu’est l’argent. Elle raconte la façon dont l’argent est créé et circule. Il y a cinq ans de cela, presque personne ne le comprenait, mais aujourd’hui beaucoup de gens comprennent que l’argent est créé comme une dette avec intérêt. Ou bien la banque centrale achète une sorte de sécurité sur le marché en créant la monnaie à partir de rien, ou bien une banque prête l’argent à un emprunteur et du nouvel argent est créé.

Quand une banque vous prête un million de dollars, cela crée de l’argent en l’inscrivant dans un registre ou en l’entrant par un clavier sur un ordinateur. Cela crée un million de dollars. Au même moment, cela crée plus qu’un million de dollars de dette. Peut-être qu’au bout de 10 ans, vous devrez rembourser 2 millions de dollar. Comment allez-vous faire? Vous allez devoir extraire de l’argent de quelqu’un d’autre. Vous allez devoir prendre l‘argent de quelqu’un d’autre. Peut-être d’une manière honorable. Peut-être allez-vous inventer quelque chose de génial et leur vendre. Mais vous allez devoir faire plus d’argent que le million original. Cela ne devrait pas être un problème, sauf que tout le monde est dans le même bateau. Tout le monde doit extraire l’argent de l’extérieur. Donc le système est constitué de telle manière qu’il nous force à la compétition. Il nous force au manque. Même si nous nous programmons l’esprit pour ressentir un état d’abondance en se répétant « L’argent est neutre et c’est notre attitude qui compte. » Peu importe nos trucs new age, la réalité mathématique est qu’il n’y a jamais assez d’argent. Il y a toujours plus d’argent dû que d’argent existant. La seule manière de payer les dettes est de créer plus d’argent l’année prochaine, ou la suivante. Mais cela crée encore plus de dette. Par conséquent, non seulement l’intérêt génère la compétition, le manque et l’anxiété, mais il crée aussi un besoin de croissance infinie.

Est-ce que vous voyez le problème ?

Que se passe-t-il quand il n’y a plus de place pour la croissance? Que se passe-t-il quand la croissance tue la planète? Que se passe-t-il quand il n‘y a plus de place pour créer d’autres produits ou services? Et bien les dettes ne peuvent plus être créées par une nouvelle croissance. Au début ce n’est pas trop grave. Mettons que vous me devez un million de dollars et que jusqu’à présent vous m’avez payé les mensualités en puisant dans votre revenu. Sauf qu’à présent vous vous mettez à payer en retard. Bon, d’accord, vous pouvez me donner votre maison, votre voiture, me promettre votre revenu futur à perpétuité. Dans l’antiquité, les gens pouvaient aussi promettre leurs enfants, leurs femmes, leur terre et eux-mêmes, et ils devenaient esclaves de la dette, des prolétaires de la dette. La plupart des êtres humains qui ont vécu sur Terre dans les 5000 dernières années ont été des prolétaires de la dette (je vais passer aux bonnes nouvelles bientôt). C’est un problème.

Pour faire simple, cela cause une polarisation rapide de la richesse et ensuite le système s’effondre et peut se désintégrer. Entre temps, il y a une pression énorme pour faire croître l’économie monétaire, ce qui veut dire convertir de plus en plus de nature en produits, et de plus en plus de relations humaines en services.

Dans le temps j’habitais à Taiwan, et je suis rentré aux Etats-Unis avec une certaine idée de la banlieue: des enfants qui courent et jouent ensemble, des voisins qui discutent par dessus les clôtures, qui s’entraident — le genre de souvenirs que j’avais de mon enfance. Je suis allé dans une banlieue en développement et la première chose que j’ai remarqué c’est qu’il n’y avait pas d’enfants dehors. Il y avait un grand terrain de jeu au milieu du quartier, et il était vide. Quand j’étais enfant, ce genre d’espace aurait été plein à ras bord. On aurait pu voir des jeux de foot, de baseball, et des enfants à vélo partout. Et il n’y avait plus rien de tout ça. Non pas parce qu’il n’y avait plus d’enfants: ils étaient tous à l’intérieur. Pourquoi? Pourquoi est-ce que les voisins ne se connaissent plus?

Nous avons tenté de créer une communauté. Nous avons essayé d’inviter les gens chez nous et de faire des soirées, mais les gens n’avaient pas vraiment envie de venir, et quand ils venaient, aucune belle relation ne se formait. Où tout cela est-il passé? Où est passé la communauté?

Où que j’aille les gens me disent que la communauté est ce qui leur manque le plus. Ce qui s’est passé est que la communauté a été convertie en argent. J’ai mentionné la manière dont les dons créent des liens. Si vous vivez dans une vie hyper monétisée, il n’y a aucun don, il n’y a aucun lien. Vous n’avez besoin de personne. Donc nous faisions ces soirées entre voisins, et tout le monde pensait inconsciemment « Je n’ai pas besoin de vous ». Contrairement aux communautés Amish où ils ont besoin les uns des autres: si votre maison brûle, vous allez avoir besoin des autres pour la reconstruire. Aujourd’hui nous payons ce type de soutien communautaire. Cela s’appelle l’assurance.

Quand j’étais enfant, personne ne payait pour la garde d’enfants. On surveillait les enfants des autres et réciproquement. Aujourd’hui c’est quelque chose qui se paye, et puisque c’est devenu un service rémunéré, l’économie croît. Cela crée des occasions de prêter de l’argent, de faire circuler de l’argent.

Voilà une partie de l’explication du fait que toutes les belles choses que vous voulez faire ne rapportent pas d’argent, et que les endroits où l’on peut se faire de l’argent sont les choses que vous n’avez pas vraiment envie de faire. Je généralise un peu, mais je pense que vous comprenez la dynamique. Dans notre système, l’argent va vers ceux qui en créent davantage, vers ceux qui vont créer de nouveaux biens et services.

Mettons que je sois une banque. J’ai un million de dollars à prêter. Vous venez me voir et vous dites: « Charles, je voudrais emprunter cet argent et je vais le dépenser pour stopper cet oléoduc prévu pour les sables bitumineux en Alberta. Voilà mon business plan. » Même si je le voulais, je ne vais pas vous prêter cet argent car comment allez vous me rembourser? Ou bien vous allez me dire, « Un nouveau terrain va être construit. Je vais le sauver. Je vais l’acheter afin qu’il soit préservé. » Et je vous dirai: « Comment allez-vous trouver l’argent pour me rembourser? » « Et bien, si tu as besoin que je te rembourse, je pourrai revendre le terrain. » « Et mes intérêts? » Vous devrez créer plus d’argent. Mais si vous venez me voir pour me dire: « Je voudrais acheter ce terrain et construire des centres commerciaux dessus. » Oh, et bien là vous allez créer des nouveaux biens et services.

Si vous dites « Je vais dépenser cet argent pour monter un lobby afin de faire pression pour que cet oléoduc soit construit. Voici mon carnet d’adresses. Ces entreprises me paieront beaucoup d’argent pour le faire. Tout ce dont j’ai besoin c’est de capital. » Voilà un business plan, parce que vous participez à la conversion de la tundra d’Alberta en argent. Si vous participez à cela, vous aurez de l’argent.

Nous sommes d’accord que nous ne voulons plus participer à cela aujourd’hui, n’est-ce pas? Non. Mais je pense qu’il est important de se souvenir qu’il fut une époque où nous voulions participer à ce mouvement. Il y a une centaine d’années, nous n’avions aucun état d’âme vis à vis de la conquête de la nature. Et si vous inventiez une manière de faire voyager ce pétrole plus vite et d’abattre ces arbres plus efficacement, vous étiez un héros. Vous étiez fier de vous-même. Mais plus maintenant. Quelque chose a changé. Quoi?

Quel que soit ce qui a changé, l’argent n’a pas évolué avec — pas encore. L’argent continue de nous pousser à faire des choses que nous ne voulons pas faire. Mais je pense que nous sentons que ce qui a changé est quelque chose de profond, et que par conséquent la crise économique est aussi une crise spirituelle. C’est quelque chose qui descend jusqu’aux fondations.

Une des choses que j’ai remarqué dans le mouvement Occupy est la réunion du militantisme et de la spiritualité, alors que 10 ans plus tôt, ils ne se seraient jamais approchés. Les militants disaient, « Hé, vous êtes assis sur votre coussin de méditation pendant que le monde brûle. Levez-vous de là et faites quelque chose de concret. » Et les méditants disaient: « Comment pouvez vous savoir quoi faire? Comment pouvez-vous être certains que vous n’êtes pas en train de combattre vos propres ombres? ». Aujourd’hui ces deux branches qui étaient scindées dans les années 60 sont en train de se rassembler.

J’ai soulevé ce sujet pour toucher le sentiment que nous avons que quelque chose de très important est en train de changer. Quelque chose qui va au fond des choses. Que nous sommes à un point de bascule, que tout va changer. D’un côté, cela génère beaucoup de peurs. On ressent, « Le monde est en train de se casser la figure. On ne sait plus ce qui est réel ». Tellement de choses qui semblaient solides et réelles apparaissent n’être que de la vapeur, des illusions, comme vos investissements, votre retraite, ce genre de chose. Ils peuvent disparaître tout à coup comme ça. Il y a une génération, nous n’avions pas cette impression. Ces choses étaient solides il y a une génération. Quelqu’un de mon âge serait déjà en train de se préparer pour sa retraite; « Il faut que je commence à mettre en place une rente. » Aujourd’hui c’est impensable pour moi de réfléchir à cela, et c’est vrai pour beaucoup des gens de ma génération. Nous n’y croyons plus. Cette réalité est en train de disparaître.

Je vais aborder un peu ce qui est en train de changer; mais des choses assez navrantes se sont produites pour ce qui est de la communauté.

Ce n’est pas seulement la garde d’enfant qui a été convertie en argent, mais tout ce que faisaient les gens avant les uns pour les autres dans une économie de don. La technologie a permis de convertir en argent la moindre parcelle de cette ancienne façon de vivre. Par exemple, mon père racontait que, quand il était enfant en banlieue, le dimanche, tout le voisinage se rassemblait avec des guitares et on chantait des chansons populaires. Vous imaginez ce genre de chose dans les banlieues aujourd’hui? Pas à Harrisburg en Pennsylvanie où je vis à présent. En effet maintenant nous payons pour nos distractions. Nous ne les créons plus tous ensemble. Nous payons pour les repas — aux Etats Unis surtout, et peut-être ici aussi. Quand j’étais enfant, Maman cuisinait, mais maintenant Maman va au supermarché et achète des choses cuisinées par d’autres. Les médicaments n’étaient pas payants. Il y a une centaine d’années, c’était une des grands-mères du village qui connaissait les herbes. Et on ne payait pas pour ça. Les gens ne payaient ni pour les vêtements, ni pour le logement*. Tout le monde savait construire une maison.

Certains d’entre vous ont peut-être envie de devenir riches alors permettez-moi de vous donner un business plan qui fonctionne depuis des milliers d’années. Ce qu’il faut faire c’est trouver quelque chose que les gens font eux-mêmes, et le leur prendre. Ou bien trouver quelque chose que les gens trouvent dans la nature, et le leur enlever. Et ensuite leur revendre. Par exemple, vous pouvez polluer l’eau et ensuite vendre de l’eau en bouteille. Ou vous pouvez faire peur aux gens pour qu’ils ne boivent plus l’eau, ou bien y ajouter du chlore et leur vendre des filtres. Les gens ne font pas ces choses consciemment, mais vous pouvez créer un climat où les gens ont peur de laisser leurs enfants dehors et privilégient la sécurité avant tout. Et ensuite, les enfants ne peuvent plus vivre d’aventures, comme nous le pouvions quand j’étais enfant. Peut-être que certains d’entre vous s’en souviennent: vous finissiez le petit déjeuner, disiez « Salut m’man » et vous sortiez jouer. Nous allions à la carrière, nous nous postions sur le bord d’une falaise pour jeter des cailloux. Puis nous allions nager sans supervision dans un trou d’eau pas loin, et nous faisions des tas de choses dangereuses qui, si vous les laissiez faire à vos enfants aujourd’hui, entraîneraient votre arrestation. Je ne plaisante pas, vous seriez littéralement arrêtés.

Cela m’est arrivé. Je ne me suis pas fait arrêter, mais mon fils avait 5 ans à l’époque et jouait dehors. Un voisin frappe ma porte et dit: « Savez-vous que votre enfant joue dehors, sans surveillance? Cela me met mal à l’aise. » Ce qui était une sorte de menace. « Je suis mal à l’aise avec ça. Je vais vous dénoncer aux services à l’enfance. » Donc voilà, l’amusement et l’aventure sont maintenant quelque chose qui’l faut acheter. World of Warcraft, c’est ça. Et les jeux Pokemon sur DS. Mon fils adolescent dit en plaisantant: « Purée Papa, j’aimerais bien que le monde réel soit en 3D, comme au cinéma. Comme la 3DS. » Par l’intermédiaire de ces jeux, les enfants vivent des aventures, font des rencontres, et créent ce monde en ligne, alors qu’il y a peu de temps ils le faisaient dans la vraie vie. Donc, vous l’enlevez, et vous le revendez. Rendez les gens incompétents. Rendez illégal le fait de construire sa propre maison. Persuadez tout le monde que seul un expert peut faire de la médecine.

Je suis passé par un profond désespoir quand j’ai réalisé l’étendue de ce que nous avions perdu et la profondeur de notre pauvreté. Nous avons perdu le sens de la communauté. Nous avons perdu notre connexion avec la nature. Par conséquent, quand je propose l’optimisme, ce n’est pas parce que je ne comprends pas l’étendue des dégâts. Ce n’est pas parce que je ne comprends pas que, aux Etats Unis se trouvent des milliers de sites de déchets radioactifs non référencés — qui ont presque commencé à fuir, mais pas tout à fait. On les a juste oubliés. Ceci est juste une petite, une toute petite partie de la crise environnementale. Et il y en a d’autres parties bien pires — parce que l’environnement est aussi quelque chose que l’on peut convertir en argent. La capacité de l’atmosphère d’absorber nos déchets: on le transforme aussi en argent. Tout cela est dirigé par notre système monétaire.

Le système monétaire n’est pas une erreur arbitraire. Il repose sur des bases plus profondes. Cela comprend deux parties. L’une est l’histoire des humains, et l’autre l’histoire du soi. Et ce sont les deux mythes de notre culture. Ils répondent à des questions fondamentales. Par exemple: Qu’est-ce qu’être humain? Qui suis-je? Quel est le sens de la vie? D’où venons nous? Où allons nous? Qu’est-ce qui a de la valeur? Qu’est-ce qui est important? Chaque culture répond différemment à ces questions. Je vais vous dire comment je vois l’histoire des humains et l’histoire du soi dans notre culture. Je m’aventure par là car, à moins que ce fondement ne change, l’argent ne peut pas changer non plus, car l’argent symbolise ces histoires. Je vais commencer par l’histoire du soi.

Qu’êtes vous? L’histoire du soi vous dit que vous êtres un être séparé, un robot de chair, qui est le conteneur d’une âme ou d’un esprit (selon que vous êtes religieux ou non) qui se promène dans un univers subjectif. Chaque domaine a sa propre version de la chose. La biologie dit que vous êtes une machine bio-physique faite de chair, programmée par vos gènes pour maximiser votre propre intérêt reproductif. L’économie vous dit à peu près la même chose, que vous êtes foncièrement poussé à maximiser votre propre intérêt économique. La physique dit de même que vous êtes cette espèce de machine, qui opère dans un univers extérieur, sujet à des forces déterministes. C’est de la physique obsolète, mais cela définit encore la manière dont nous pensons. C’est aussi de la biologie obsolète, en passant. La spiritualité, la religion, dit que vous êtes ces âmes encapsulées dans un costume de peau, séparée d’autres âmes encapsulées dans leur peau. La philosophie dit que vous êtes une bulle de psychologie qui se promène, qui flotte — une conscience qui regarde le monde depuis un point. C’est ce que vous êtes. Vous êtes séparés.

De là émanent presque toutes les institutions de notre culture. Par exemple, il y a tous ces adversaires là dehors et par conséquent, pour rester en bonne santé et en sécurité il faut les contrôler, les conquérir, et les vaincre. De là nous tirons le paradigme dominant de la médecine. Il y a ces microbes là dehors, qui par essence ne sont pas nos amis parce que leur programme génétique est de maximiser leur propre intérêt. Notre système économique est aussi configuré comme cela. C’est pourquoi le discours politique ne parle que de compétitivité. De ce point de vue, si vous avez un gros coup de bol, ce n’est pas comme dans ces économies du don que j’évoquais. Dans ce cas vous obtenez plus de cette quantité d’argent limité et vous serez plus compétitif. L’envie fait donc partie de la chose. La bonne fortune de quelqu’un d’autre et les capacités excellentes de quelqu’un d’autre sont des choses qui abîment mon intérêt. Et si il vous arrive une grosse tuile et que vous êtes moins capables de vous battre, c’est bon pour moi, selon ce paradigme.

Au fond du coeur, nous savons que cela n’est pas vrai. Nous savons que, sur un certain plan, la souffrance d’un autre être est quelque part également la nôtre. Mais notre logique scientifique contredit cela. Par conséquent, un des effets de l’histoire du soi est la déconnexion entre le cœur et le mental. Notre cœur dit une chose. Nos pensées en disent une autre.

Vous pouvez voir que notre système monétaire incarne et perpétue cette histoire d’un soi séparé. Cela nous jette dans la compétition. Cela la rend réelle, même si au fond elle n’est pas vraie. Il joue l’histoire.

L’histoire des humains: d’où venons nous, où allons nous, et quel est notre but sur Terre? Elle raconte qu’il était une fois nous étions des animaux, impuissants et ignorants. Mais, Dieu merci, notre gros cerveau nous a permis de développer la technologie et de devenir les maitres de la nature. Nous ne la contrôlons pas encore complètement, mais on y est presque. Un jour, nous allons transcender la nature complètement. Nous allons conquérir l’atome. Nous allons conquérir l’espace. Nous allons conquérir la mort même. Comme nous avons dépassé le mur du son et scindé l’atome, notre ascension** n’a aucune limite. J’appelle ce mythe « L’Ascension » — L’ascension de l’humanité.

Il y a cinquante ans, les gens y croyaient absolument. Ils pensaient qu’un jour nous allions éliminer tous les insectes et faire de la Terre un jardin. Nous allons éliminer toutes les espèces mauvaises, toutes les espèces néfastes, tous les nuisibles. On vaporisera du DDT partout et la pollinisation sera faite par des machines. Nous aurons des jardins hydroponiques ou bien nous créerons de la nourriture de synthèse. Nous n’aurons même plus besoin de la nature. Tout le monde y croyait. Presque. Mais nous n’y croyons plus parce que nos histoires sont en train de changer. Une des raisons de ce changement est qu’elles ne fonctionnent plus. Peu de personnes croient encore que nous allons éradiquer toutes les maladies d’ici l’an 2000. C’est pourtant ce que les chercheurs de haut niveau disaient dans les années 50. C’était évident — le choléra, la petite vérole, la peste, la diphtérie, le tétanos, la polio — toutes avaient succombé à l’arsenal de la médecine moderne. Donc bien sûr le cancer était le suivant sur la liste. Les maladies cardiovasculaires pareil. Mais ce n’est pas arrivé. A la place, tout plein de nouvelles maladies sont apparues devant lesquelles nos méthodes de conquête et de contrôle sont impuissantes.

Un autre exemple est le paradis social que nous étions censé atteindre quand les méthodes de la science seraient appliquées à la société: les sciences sociales, la science politique, l’ingénierie sociale. Nous aurions été censé avoir déjà atteint un âge de loisirs à notre époque. En effet, après tout, une machine peut faire le travail de mille hommes. En 1790, les gens disaient: « Bientôt chaque personne n’aura qu’à travailler un millième de la difficulté actuelle. » Alvin Toffler le disait également dans les années 80: « D’ici l’an 2000, le plus grand problème auquel la société devra faire face sera quoi faire de notre temps libre. » Mais cela ne s’est pas encore produit non plus. Nous travaillons même encore plus.

Nous travaillons plus dur que ne le faisaient les chasseurs-cueilleurs. Un anthropologue, Richard Lee, a étudié le désert du Kalahari, où les précipitations sont d’environ 12 cm par an. C’est un des climats les plus difficiles sur Terre. On imaginerait que survivre là-bas serait une vraie lutte, plus qu’ailleurs. Mais il remarque que « Ces gens ne travaillent pas très dur. Ils semblent avoir pas mal de loisir et pas d’anxiété. Combien de temps travaillent-ils? » Il les a donc suivis avec un carnet et un crayon, et a enregistré le temps qu’ils passaient à vraiment travailler. Le résultat était environ 20 heures par semaine. Et beaucoup de ce travail ressemble plus à de la récréation à nos yeux. Aller chasser est comptabilisé; et les gens le font comme un sport aujourd’hui. Ou bien aller faire paître les animaux, avec les enfants qui courent autour et en discutant avec des amis. Voilà de quoi étaient faites ces 20 heures par semaine.

Après deux cent ans de développement technologique, on ne peut pas faire mieux que ça? Cela fait un bon moment que je me pose cette question. J’apprends que des enfants à Haïti mangent de la terre parce qu’ils sont affamés. On ne peut pas faire mieux que ça? Ou bien il suffit de regarder les bâtiments affreux dans la ville où j’habite. Ne devrait-on pas avoir un monde rempli de beaux bâtiments?

Je pense que tout le monde porte dans le cœur la conviction qu’un monde plus beau est possible. Les enfants le sentent. Les adolescents spécialement le ressentent très fortement, et nous appelons ça de l’idéalisme, et beaucoup de forces conspirent à nous souffler: « C’est juste de l’idéalisme de jeunesse, et tu le laisseras derrière toi en grandissant. » En prime le monde qui nous est présenté comme normal est la seule possibilité. Et il n’y a rien qui cloche là dedans. Si il y avait vraiment quelque chose qui clochait… Allons, je vous ai parlé de ces déchets radioactifs, et vous êtes au courant du réchauffement climatique, des barrières de corail qui meurent — cela ne peut pas être vrai. Et le fait qu’un enfant sur sept aux Etats-Unis se couche avec l’estomac vide — ça ne peut pas être vrai. Quelqu’un doit vous mentir parce que si c’était vrai les gens seraient révoltés. Si nous étions vraiment en train de détruire les bases de la civilisation sur Terre, les gens seraient révoltés, non? Mais ils ne le sont pas. Ils s’intéressent aux Kardashians et au hockey. Rien de mal avec le hockey… Mais le fait que la société est obsédée par les célébrités et le sport vous dit fondamentalement: les choses ne peuvent pas aller si mal.

Beaucoup d’entre nous se sont sentis très seuls pendant un bon nombre d’années dans ce soupçon que quelque chose clochait vraiment dans le monde. Ce n’était peut-être pas une réalisation consciente. Si c’est conscient, on se rebelle consciemment et on développe une conscience politique. Si c’est une réalisation inconsciente, nous nous rebellons inconsciemment ; en développant des habitudes de procrastination et de paresse, en devenant dépressifs, en devenant dépendant de quelque chose. C’est au fond une mutinerie de l’âme qui dit « Je ne vais plus participer à cela. Je préfère rester au lit que de vivre ce mensonge. » Et ensuite on nous dit: « Tu sais, tu as un problème. Si tu es déprimé, si tu n’arrives pas à sortir du lit, si tu procrastines, si tu ne parviens pas à te motiver pour réussir, pour faire les choses qu’il faut faire, pour développer des bonnes habitudes de travail, c’est toi qui a un problème. » Mais le problème est peut-être ailleurs. Vous êtes peut-être en fait en parfaite santé. Nous n’avons peut-être pas à nous battre contre nous-même pour être vertueux et productifs.

Prenons l’école par exemple. Elle consiste à nous entraîner à faire des choses qui nous importent peu pour une récompense extérieure, et on considère que c’est une bonne chose. On considère que c’est normal que la vie soit une galère. On considère que c’est normal de détester les lundis. Vraiment, on ne peut pas créer un meilleur monde que celui-ci? Où on déteste la vie? Où on déteste les lundis? Où on veut que la semaine se termine? Où on a hâte que la retraite arrive?

Quand j’enseignais à l’université, les jeunes de 20 ans avait hâte de voir arriver la retraite. « Parce que là, je pourrai faire ce que je veux. Alors je vivrai ma vie. » Et ne pas vouloir participer à la conversion de tout ce qui est bon et beau en argent.

Comme je l’ai dit ces histoires du soi séparé et de l’ascension de l’humanité sont en train de devenir obsolètes. Elles ne fonctionnent plus. Elles s’effondrent et donnent naissance à de nouvelles histoires. On pourrait même dire que toutes les crises auxquelles nous faisons face aujourd’hui — la crise financière, la crise des sols (certaines sont moins connues du public), la crise de l’eau, la crise de la biodiversité, la crise de l’énergie, la crise politique, la crise du système de santé, la crise de l’éducation, et la liste continue indéfiniment — nous pouvons les voir comme des crises de naissance. Les gens ne changent pas individuellement à moins que le monde ne s’écroule, ou du moins, moi, je ne change pas à moins que mon monde ne s’effondre (et même là, j’essaye encore de m’arranger pour que ça fonctionne). Les sociétés font pareils. Peut-être est-ce ainsi que le changement survient. Peut-être est-ce ainsi que la transition se produit. Et la direction dans laquelle nous propulsent ces crises, c’est en quelque sorte une naissance. Nous ne savons pas très bien à quoi il va ressembler ce nouveau monde, mais on voit la lumière au bout du tunnel. Le col s’est ouvert.

L’étape de la naissance qui précède est l’étape où le col ne s’est pas encore ouvert, mais où l’utérus a déjà commencé les contractions. C’est une étape infernale où il n’y a pas de sortie. Stanislas Groff en parle. Il n’y a pas de sortie, il n’y a pas d’espoir et vous êtes désespéré. Et enfin le col s’ouvre et vous apercevez quelque chose. Culturellement, je pense que nous avons eu cet aperçu pendant la période des hippies. Ils ont entraperçu notre destination. Et il leur semblait évident que dans 5 ans, la guerre serait démodée et toutes ces autres institutions seraient démodées à cause d’une bascule dans la conscience. Je crois qu’ils voyaient quelque chose d’authentique. Quand on fait l’expérience de ce genre de chose, cela ne ressemble pas à une sortie de la réalité ou à un fantasme. Cela ressemble à un aperçu de la façon dont les choses pourraient vraiment être.

La nouvelle histoire dans laquelle nous naissons, la nouvelle histoire du soi; tout le monde sait de quoi il s’agit. C’est le soi connecté. Elle dit que vous n’êtes pas cette conscience séparée et distincte; mais que votre être fait partie de l’être de tous et de toute chose. Être, c’est être en relation. Exister, c’est être en relation. Vous êtes vos relations, et cela va donc plus loin que l’interdépendance. L’interdépendance serait « Je suis encore séparé mais j’ai des relations. » Les relations ne sont pas quelque chose que nous avons, les relations sont quelque chose que nous sommes. Ainsi, quand une espèce s’éteint, quelque chose en nous est perdu, à jamais. Et cela fait mal. Quand une forêt est rasée, quand une forêt primaire est détruite, quelque chose en nous disparaît et nous ressentons de la douleur. Or dans la logique de séparation, c’est ridicule. Pourquoi cela ferait-il mal? Qui se soucie de la forêt? Je peut même peut-être bénéficier de cet abattage. Qui se soucie des phoques tabassés en Terre Neuve? Ce n’est pas moi qui suis tabassé. Qui se soucie du fait que des gens tombent malades, du moment que je me tiens à distance? Qui se soucie des émeutes dans les ghettos? Je peux vivre dans une enclave résidentielle protégée. Je peux me séparer. Ce que je fais au monde n’a pas besoin de m’affecter nécessairement si je peux exercer suffisamment de pouvoir, si je peux exercer suffisamment de contrôle, si je peux maîtriser suffisamment de forces.

Plus de force: ça, c’est la logique de séparation. Mais c’est une logique bancale parce que notre cœur ressent. Ça fait mal juste ici. Nous ressentons que ce qui arrive à un autre être nous arrive à nous aussi. Ce qui est d’ailleurs bien plus visible dans une économie du don. Si vous commencez à vous aliéner des gens, vous allez souffrir. Si quelqu’un se casse la jambe, moins de dons vont venir vers vous. Mais cela n’est pas vrai dans une économie monétaire comme la nôtre où cela ne se remarque pas autant.

Donc ceci est la nouvelle histoire du soi: le soi connecté.

La nouvelle histoire des humains, je vais y venir. Une partie du désespoir que nous traversons est que nous regardons le comportement des humains, nous regardons ce que la civilisation a fait sur la planète et nous nous mettons à penser que les êtres humains sont peut-être tout simplement mauvais. Nous sommes une erreur de la nature. Nous avons oublié quelque chose d’important et à cause de cela nous détruisons la Terre. Certains auteurs radicaux l’écrivent; Derek Jensen, John Zerzan. Ils disent que l’agriculture fut une grave erreur. Ou même la culture symbolique: le langage fut une grave erreur. Cela a amorcé notre séparation, nous sommes devenus de plus en plus séparés de la nature, et maintenant nous l’avons presque détruite. « Nous devrions redevenir des chasseurs-cueilleurs. » Par ailleurs aucun autre être dans la nature ne pense qu’il peut grandir éternellement. « La croissance exponentielle; cela n’existe pas dans la nature. » Mais en fait cela se produit dans la nature. Si vous introduisez des bactéries dans un milieu où il n’y a pas de bactéries mais de la nourriture, elles vont croître exponentiellement pendant un moment, mais jusqu’à ce que la population se stabilise. Il peut y avoir un pic, puis une chute et ensuite un plateau, mais il y a une phase de croissance. De même avec un écosystème immature. De même avec une personne immature.

Il y a une phase où vous grandissez et où vous sentez que vous méritez de recevoir. Vous sentez que vous méritez de recevoir de vos parents. Cela constitue votre relation d’amour: vous recevez et vous grandissez. Telle était la relation que l’humanité entretenait avec la Terre jusqu’à présent; une relation où nous avons pris les dons de la nature pour acquis. Sauf qu’à un moment, la croissance s’arrête. L’écosystème atteint sa maturité, l’enfant devient adulte, et quand la croissance s’arrête, deux choses se produisent. D’abord, une sorte d’épreuve vient marquer cette transition. Les anciennes cultures le comprenaient, et elles ont créé des épreuves de passage à l’âge adulte pour les enfants. Comme par hasard, ces rituels impliquaient l’effondrement de votre monde, soit à l’aide de plantes hallucinogènes, de la douleur physique ou de l’isolement. Tout ce que vous pensiez être solide, fiable et permanent — votre monde de l’enfance — s’effondrait. Vous ne saviez plus qui vous étiez. Votre identité se désintégrait. Et ensuite vous acquériez une identité plus large, une compréhension de votre place dans la tribu. Alors vous deveniez adulte et vous rejoigniez réellement la tribu. C’est exactement ce qui est en train de se produire pour l’humanité en ce moment. Nous sommes en train de traverser un rituel de passage où le monde semble s’effondrer, et qui change notre identité en rapport avec la nature. Fini la séparation d’avec la nature. Et ensuite nous rejoignons la tribu constituée de toute la vie sur Terre.

L’autre chose qui se produit à cette étape de la vie est que vous tombez amoureux. Et cette relation amoureuse est différente de la relation que l’enfant entretient avec ses parents. Parce que vous ne souhaitez plus seulement recevoir; vous voulez aussi donner. Même adolescent, vous voulez donner quel chose à votre amoureux(se). Et ensuite vous voulez co-créer. C’est la phase à laquelle l’humanité est en train d’accéder. Là encore elle a commencé dans les années 60 quand le mouvement écologique est né dans la conscience collective, et que les gens ont commencé à vouloir protéger la Terre et lui donner en retour. Cela s’est produit quand ces astronautes ont envoyé ce photographies de la planète, qui étaient pour beaucoup de gens la première opportunité de voir la Terre sans le dessin des frontières. On n’avait jamais vu ça. Aujourd’hui c’est presque devenu un cliché, cette image de la planète Terre. Pourtant aujourd’hui encore elle génère une sorte de révérence et d’émerveillement. Quand cette image est arrivée de l’espace, ce fut une révélation pour beaucoup de gens. Les astronautes l’ont ressenti. Ils sont aussi tombés amoureux. « J’étais là haut, je ne voyais pas de frontières sur la Terre, et j’ai ressenti un immense désir de protéger cette planète. Je ressentais de l’amour pour toutes les personnes vivant sur Terre. Je pouvais cacher la Terre avec mon pouce, et j’ai réalisé que tout ce qui m’était précieux était sur ce petit point. Toute la littérature, toute la musique, tous ceux que j’aimais, toute l’histoire, toutes les luttes humaines se trouvaient sur ce petit point fragile. »

Et donc nous sommes tombés amoureux de la Terre. Aujourd’hui, chacun veut d’une manière ou une autre contribuer au service d’autres êtres, et au service de la Terre. Pour le soi connecté, il n’est pas vrai que nous sommes en compétition, et que plus pour vous veut obligatoirement dire moins pour moi. Plus pour vous, c’est plus pour moi. C’est vers cela que nous sommes attirés à présent. Nous ne somme plus attirés par la conquête de la nature. Malheureusement nos institutions n’ont pas encore rattrapé ce basculement. Surtout l’institution de l’argent. Il matérialise encore la séparation et l’ascension. Il pousse aux deux.

Dans mon livre je parle de deux choses: A quoi devrait ressembler l’argent pour incarner la nouvelle histoire de humains et du soi? A quoi devrait ressembler l’argent pour que la richesse reflète ce que vous donnez et non ce que vous gardez pour vous? A quoi devrait ressembler l’argent pour obéir à la loi de l’écologie, c’est à dire qu’il n’existe pas de déchets, que tout ce que l’on crée devient la nourriture d’autres êtres? Comment pouvons nous créer un système économique qui incarne ces vérités? Ce n’est pas une question théorique. Je parle de tout cela dans le livre.

En gros, il aborde la manière dont nous en sommes arrivés là, pourquoi l’argent est tel qu’il est, à quoi il devait ressembler pour être un objet que nous pourrions qualifier de sacré, et ensuite comment pouvons nous nous aligner au niveau personnel avec cette transformation. Je suis assez fatigué des textes qui disent ce que ‘nous’ devrions faire. Et moi? Que puis-je faire maintenant qui ne dépende pas trop du fait que d’autres personnes fassent de même? Voilà une autre cause de désespoir. « Je peux rouler en vélo, recycler; mais il y a tous ces gens en 4×4. Quel impact peut avoir ce que je fais moi? » Je réponds à un appel du cœur et je sauve un petit chiot. Comment est-ce que ça va pouvoir avoir un impact? La logique de séparation dit: cela ne changera rien car vous êtes juste un petit être séparé et le changement est gouverné par les lois de la physique, la loi des forces. Comment cela pourrait-il avoir un impact — quoique vous fassiez d’ailleurs? Surtout si il s’agit de s’occuper d’un chiot, ou de s’occuper d’une personne malade. Comment est-ce que cela va bien pouvoir changer le monde? Là encore cela vient du cerveau et de la logique qu’on nous a enseignée. Pourtant nos cœurs savent profondément que ces actes sont importants; qu’ils ont un impact. Le soi connecté, l’histoire du soi connecté le comprend: bien sûr que cela a un impact. Bien sûr. Parce que tout ce que nous faisons affecte tous les êtres. Ainsi le cerveau et le cœur n’ont plus à être en contradiction. Voilà l’importance de cette transition entre les histoires. Nous n’avons plus à jouer la comédie de cette guerre contre nous-même.

Je vais rapidement parler de ce à quoi l’argent ressemblera. Dans le livre je parle aussi de la manière dont la transition peut se produire.

Dans l’assistance se trouve Michael Linton. Il est l’un des pionniers d’un autre système monétaire où l’argent n‘est pas rare parce qu’il est créé par la transaction elle-même. Cela ressemble à une ancienne économie du don, où vous faites quelque chose pour la communauté et la communauté en est témoin. On n’enregistre pas spécialement la valeur de ce que c’était, mais il y a une idée générale de qui a donné beaucoup, qui a reçu beaucoup, qui a été généreux. Pour être généreux dans ce contexte, il ne faut pas être très riche. La richesse est créée par le don. Pourquoi ne pas avoir une monnaie qui fonctionne comme cela? Pourquoi ne pas dire: « Ok, je vais tondre ta pelouse et mon crédit va augmenter de $10, et le tien va baisser de $10. Nous créons notre propre argent, nous créons notre propre crédit. Nous n’avons pas besoin d’aller à la banque chercher l’argent pour que ces transactions soient effectuées. » Ce système est connu sous le nom de SEL, Système d’Échange Local. Donc je parle de ça.

Un autre aspect explique ce à quoi l’argent ressemblerait si, au lieu de générer des intérêts, il portait le négatif de l’intérêt, de la même manière que tout se dégrade dans l’univers. Pour le moment, l’argent semble être l’exception. Si la richesse se trouve sous la forme de céréales, ou de pommes de terre, ou de fer, ou de quoique ce soit qui se stocke — comme les céréales, cela se dégrade avec le temps. Comment allez-vous rester riche? Il ne suffit pas de posséder beaucoup pour être riche. L’argent par contre est différent. L’argent ne se décompose pas.

Si je dispose aujourd’hui de mille miches de pain, comment vais-je devenir riche? Si je les garde, elles vont rassir en 3 jours. La seule manière de devenir riche est de donner à tout le monde dans cette salle deux miches de pain. Cela pourrait simplement être un don, mais si nous sommes dans une économie monétaire, je vais dire: « Je vous les prête à un taux zéro, et vous me rendrez deux miches quand vous aurez plus que nécessaire. Ou bien quand j’en aurai besoin, je vous demanderai ces deux miches de pain. » Si j’ai donné mille miches de pain, je suis vraiment riche car, pour le restant de mes jours, je pourrai obtenir du pain.

Pourtant ce n’est pas la manière dont nous utilisons l’argent. Si j’ai ce pain et que je dis « Ok, je vais vous le prêter, mais seulement si vous me donnez 3 miches de pain en retour dans un an. » Je n’ai pas les moyens de vous y forcer. Tout le monde sait que si je les garde, elles vont pourrir. L’argent pourrait fonctionner de cette manière, si il se dégradait. Cette caractéristique de l’argent n’est pas une idée floue. Elle a été développée par des économistes. John Maynard Keynes appréciait beaucoup cette idée. Cela renverse tout.

Par exemple (cette petite histoire est basée sur un fait réel): imaginons une entreprise qui possède une île avec une forêt très ancienne. Elle a le choix. « Nous pouvons cultiver l’île de manière durable et gagner un million de dollars par an indéfiniment, ou bien nous pouvons couper tous les arbres et gagner 100 millions de dollars cette année. Que devrions-nous faire? » Que feriez-vous? Si vous êtes rationnels, vous raseriez l’île et généreriez 100 millions de dollars, que vous investiriez dans des bons du trésor à 3%, et vous gagneriez 3 millions de dollar par an, pas seulement un million. Ou peut-être que vous êtes écologiste et que vous ne voulez pas faire ça, donc vous dites: « Désolé(e), je suis le (ou la) PDG.  Je ne vais pas faire ça. » Mais bientôt un prédateur boursier survient et dit: « Votre entreprise est mal gérée. Vous pourriez générez un cash-flow de 3 millions de dollars sur cet actif, mais là vous ne générez qu’un million. Le cours de votre action est basé sur un chiffre d’affaire inférieur à celui que vous pourriez générer. Votre action est donc sous-évaluée. Je vais me rendre dans une banque d’investissement, emprunter assez d’argent pour racheter votre entreprise, la racheter, couper la forêt, payer la banque et devenir riche. »

C’est le genre de chose qui se produit réellement. En tant que PDG, la seule manière d’empêcher ce rachat hostile est de faire monter le prix de votre action, et pour ce faire, d’abattre la forêt. Voilà comment le marché vous tient à la baguette. Il durcit les cœurs tendres.

Maintenant imaginez que vous êtes le PDG de la Terre et un dictateur absolu. Des extraterrestres surviennent et disent: « Nous voudrions acheter la Terre, et nous allons bien vous dédommager. Le produit mondial brut en ce moment est de 60 mille milliards de dollars par an. Est-ce que vous aimeriez gagner 10 billiards? Maintenant. Rien que l’intérêt sur cette somme vaut bien plus que 60 mille milliards par an. Vous serez riche! Nous allons vous acheter la planète. Nous allons détruire l’atmosphère. Nous allons polluer les océans. Nous allons détruire cette planète. Nous allons exploiter son sous-sol et construire un parc d’attraction géant dans une autre galaxie avec les matières premières. » Est-ce que vous acceptez cette offre? Bien sûr que non. Mais en fait collectivement, nous l’acceptons. Et cela est conditionné par le système monétaire. Par contre si l’argent a un taux d’intérêt négatif, et bien vous préféreriez avoir un million de dollars par an à perpétuité que 100 millions maintenant.

Voilà deux petits exemples de la manière dont on peut aligner l’argent avec ce qui est devenu sacré à nos yeux.

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Pour acheter le livre ‘Sacred Economics’, passez par ici.
Si vous n’avez pas les moyens de donner en échange, le texte est aussi disponible gratuitement en ligne ici en anglais et ici dans d’autres langues (seule l’introduction est traduite en français pour l’instant).

Si cette traduction vous a plu, d’autres essais de Charles traduits par mes soins sont disponibles dans la section Traductions, avec d’autres textes d’auteurs anglophones qui m’ont touchée.

(*) J’ai un peu des doutes sur ce point (quoique cela était peut-être vrai aux Etats-Unis?) mais on voit où il vent en venir.

(**) Charles utilise le mot ‘Ascent’ et non le mot ‘Ascension’, sans doute à dessein pour faire la distinction entre le mouvement de progrès suggéré par ‘Ascent’ et l’Ascension, mot souvent utilisé dans le mouvement new age pour désigner le passage de l’espèce humaine à un niveau de conscience supérieur. Les deux mots se traduisent par ascension en français et je l’ai tout de même choisi, espérant éclaircir la confusion possible par cette note!

6 Comment

  1. Léa says: Répondre

    Un très grand merci pour cette traduction!! Je viens de découvrir ce texte et je suis vraiment touchée de la manière dont il présente les choses (même si quelques légers points sont peut-être à nuancer). Ca me donne envie de lire le livre 🙂

    1. Marianne says: Répondre

      Avec plaisir ! Merci d’avoir pris le temps de me le dire 🙂

  2. Marie-Vé says: Répondre

    Merci beaucoup pour m’avoir parlé de Charles Eisenstein et de l’économie sacrée, et pour cette longue traduction qui précise les pensées partagées. Je comprends beaucoup mieux tes questions sur la « justesse » des taux d’intérêts 🙂 C’est la première que je fais consciemment le lien entre taux d’intérêts et croissance infinie, incompatible avec les limites de la biosphère. Jusqu’à va-t-il dans la description du système monétaire/ financier qu’il préconise ? Quelle lecture suivante pour approfondir la fin de l’exposé ?

    1. Marianne says: Répondre

      Ravie que ça t’ai plu 🙂
      Pour aller plus loin, je crois qu’il faut tout simplement lire son livre.
      On peut l’acheter par les liens sur cette page (amazon ou l’éditeur direct): http://charleseisenstein.net/project/sacred-economics/, ou bien le lire gratuitement ou contre une contribution libre: http://sacred-economics.com/wp-content/uploads/2012/01/sacred-economics-book-text.pdf (les dons sont à faire ici: https://charleseisenstein.net/gift/)

    2. Marianne says: Répondre

      Pour les mécanismes monétaires plus dans le détail, une porte peut-être http://positivemoney.org/

  3. renaud says: Répondre

    Merci pour cette traduction 🙂

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