Conformément à la ligne que je me suis fixée lors de la rédaction de mon dernier article, j’expose ci après une autre ligne de recherche qui m’est venue de manière très forte l’an dernier. C’est à un voyage que je vous invite, avec des escales que vous pourrez savourer au fil des liens externes, selon votre envie.
Au printemps 2010, il vient à mon attention des événements dont je suis choquée d’apprendre qu’ils se déroulent depuis plusieurs années. Il s’agit du terrorisme dont sont victimes les femmes en République Démocratique du Congo.
Derrière les querelles de ménage entre politiciens occidentaux en quête d’électeurs, les stars qui s’échangent leurs amants, un drame se joue depuis 14 ans dans ce pays d’Afrique centrale: les femmes sont violées et mutilées par milliers, devenues les cibles de bandes armées de tous bord qui se servent des exactions sexuelles comme arme de guerre. Je dis exactions sexuelles car le mot viol est insuffisant à décrire ce qui s’y passe. Il est difficile de parler de ce genre de choses dans notre univers hyper protégé et même moi je n’arrive pas à dépasser cette pudeur.
Je vous envoie donc vers ce reportage
Et il y a pire que les exemples cités. Bien pire.
J’avais entendu dire que la RDC était extrêmement riche en minéraux. Images de mines immenses à ciel ouvert. La terre éventrée montre ses entrailles.
Comme ces femmes déchirées dans leur corps, que la médecine à peine à réparer ; déchirées dans l’attentat à leur intériorité primordiale.
Le lien est fait dans mon esprit : là où la terre est violée sans respect, les femmes sont violées aussi. Là-bas, les hommes-fous qui ont oublié le respect du à Notre Terre Mère, bafouent les femmes dans un délire de puissance stérile. Stérile sur deux plans.
Ce que la Terre a cédé de force ne bénéficie pas, d’un simple point de vue économique, à cette nation pillée. De plus, c’est ma conviction qu’une une richesse naturelle prise sans gratitude ne peut amener la vraie prospérité ; celle qui se renouvelle naturellement et infiniment.
D’autre part, des hommes qui ne respectent pas les femmes ne peuvent s’élever véritablement. Le glaive seul est violent si la coupe ne l’accompagne pas.
Ce n’est que bien plus tard dans ma recherche que j’obtiens l’information que mon intuition avait devinée : la carte des exploitations minières en RDC est se superpose exactement à la carte des violences sexuelles.
Commence alors plusieurs mois de synchronicités.
En faisant des recherches en ligne sur le thème des femmes au Congo, je découvre l’écrivain Emmanuel Dongala qui vient de sortir un livre appelé « Photo d’un groupe au bord du fleuve », racontant l’histoire d’un groupe de femme surexploitées qui se lèvent contre l’oppression de leurs employeurs. Leur métier : casseuses de pierres…
Quasiment le lendemain, ma mère me parle de ce livre. Quelques semaines plus tard, elle se rend à l’exposition Etonnants Voyageurs à St Malo et tombe sur Mr Dongala en train de faire des dédicaces. J’ai donc savouré le roman avec un paraphe sur la page de garde !
Ma sœur qui travaille dans l’humanitaire me branche sur une conférence organisée par Humanispheria, une association questionnant les méthodes d’aide au développement. Cette conférence m’ouvre les yeux d’avantage sur notre responsabilité dans la pauvreté des pays en voie de développement et sur la maladresse et presque l’indécence inhérente des aides que nous envoyons: on pille d’un côté et on fait la charité de l’autre. J’entends aussi combien les Africain peuvent se sentir humiliés qu’on les décrive sans cesse comme ayant besoin d’aide. Un des intervenants est le réalisateur belge Thierry Michel, grand spécialiste du Congo. Son dernier documentaire, « Katanga Business », parle du pillage des ressources minières de la RDC par l’Occident et la Chine. Je prends contact. Il est, bien sûr, en Afrique. Notre rencontre, si elle a lieu, se fera plus tard.
Entre temps, je réfléchis à mon sujet et tente de trouver un angle.
La description des atrocités a déjà été faite, et j’avoue ne pas me sentir capable de le documenter. Serait-ce d’ailleurs là où ma contribution est le plus utile ?
….Si les femmes sont autant agressées…c’est que leur pouvoir là bas doit être très grand. Tellement grand qu’il fait peur. Il faut l’éventrer à coup de bulldozers, de pics, de pioches, de pistolet, de phallus… , le garder sous la botte.
Il paraît que la puissance rend ivre et certains se nourrissent de sang, quand bien même ce n’est pas physiquement. La magie noire n’est pas loin… et le risque d’aller examiner le mécanisme sous cet aspect me paraît trop grand pour mes petites épaules.
Non, c’est dans la lumière que je dois aborder le sujet.
Ce pouvoir féminin d’Afrique, que je soupçonne immense, quel est-il ? Qui sont les femmes de pouvoir dans ces contrées ? Sous quelle forme l’exercent-elles ?
A Paris, le Musée du Quai Branly a une grande exposition en cours : Fleuve Congo !
Je m’y rends avec ma sœur et découvre la statuaire tribale et chamanique. Un tiers de l’exposition est consacrée aux femmes ! Ce sont elles les gardiennes de l’accès au monde des esprits. Ce pouvoir spirituel, cela ne fait que 100 ou 150 ans que les missionnaires blancs ont mis le couvercle dessus. Comme c’est récent ! Sûrement les savoirs sont encore accessibles,ne serait-ce que par le souvenir des grand-mères, ou comme un courant souterrain à fleur de terre…
En Europe et en Amérique du Nord, les femmes au devant du courant du changement s’interrogent sur la manière de redécouvrir leur féminité et l’exercice de leur pouvoir.
Un stage suivi il y a plusieurs années m’avait réveillée, transformée : « Rencontre avec Lune et Vénus » mené par la magnifique chamane Carol Anpo Wi (voir son site: Les Plumes de l’Aigle) et une astro-thérapeute. Jamais jusqu’alors je n’avais contacté le ressenti d’appartenir à une partie de l’humanité avec laquelle je partageais des traits et des aspirations. Une assemblée de femmes a une atmosphère bien spécifique, que je retrouve, même avec des groupes complètement différents, une atmosphère dont le parfum est doux à mon âme.
Que peuvent nous enseigner les femmes d’Afrique dans cette quête de nous-mêmes ? Et où en sont-elles ? Je re-contacte Carole qui me donne quelques pistes de femmes africaines sensibilisées à ce sujet.
A Londres, j’ouvre ma newsletter de cinéaste et je file le jour même à la projection d’un documentaire réalisé avec le partenariat d’une association : Africa Rising. On y voit des paysans Ethiopiens refuser les aides qui les maintiennent dans un statut d’éternels assistés et reprendre la main sur leur champs et leurs villages. Qui contrôle les cordons des bourses et décide des travaux ? Les femmes. Plus fiables. Plus à même de penser aux conséquences de leurs choix pour la communauté. Je connaissais déjà cette tendance des associations à faire passer les aides par les femmes. Mon seul bémol est quand cette disposition nourrit un sentiment de supériorité des femmes sur les hommes.
Certaines versions de l’histoire primaire de l’humanité voient les femmes exerçant le pouvoir économique, politique et social, considérant les hommes comme des êtres bons pour les travaux et la reproduction jusqu’au moment où les hommes se sont rebellés et ont pris leur revanche. Vrai? Faux? Il est intéressant de remarquer combien il est difficile d’imaginer ce fonctionnement qui est simplement l’inverse de celui que nous avons connu durant des centaines d’années.
Aujourd’hui, nous devons rétablir un véritable équilibre et non pas retomber dans des anciens schémas.
A la recherche des données historiques sur les femmes et sur leur pouvoir spirituel, vu le petit nombre de ressources accessibles en ligne je rencontre assez vite le travail extraordinaire de l’ethnologue Max Dashu. Si vous pouvez, commandez son documentaire sur DVD.
En allant prendre un cours de yoga, mes yeux s’égarent sur le rayon livres derrière l’accueil et un titre m’appelle : « Mystery of the White Lions » de Linda Tucker. L’auteur, Sud-Africaine, est emmenée, suite à une rencontre remarquable avec les lions, dans un périple à la découverte de la symbolique des lions dans toute l’Afrique. En Egypte, ils tiraient les chars des dieux-pharaons ; en Afrique du Sud, un phénomène surnaturel devenu légende a créé une race de lions blancs maintenant en voie d’extinction.
Une parole d’un des plus grands chamanes africains me frappe : L’or et le cuivre présents dans le sous-sol de la terre lui sont, comme à notre organisme, indispensables. Ils fournissent l’énergie qui fait couler les rivières et les maintiennent pures.
Une citation me laisse sans voix : « By mining gold, human beings are enslaved to forces of which they are not even aware. » (En récoltant l’or, les êtres humains se rendent esclaves de forces dont ils n’ont absolument pas conscience).
…Cela me laisse imaginer un mécanisme énergétique (ou magique selon le degré de croyance de chacun) à l’œuvre. La terre creusée à vif libère-t-elle des esprits malfaisants ou des forces incontrôlables qui rendent les hommes fous?
Je suis recrutée pour faire le montage de deux documentaires tournés en Afrique! les premières images s’affichent sur mon écran…Le voyage commence.
Je commence à songer à partir en Afrique pour prendre contact avec la terre là bas et sentir si mon sujet est encore pertinent une fois que je suis sur place. Je me vois mal partir au Congo seule pour un premier voyage. Puis-je me familiariser avec les modes de vie si différents des nôtres en allant passer quelques temps dans un pays plus calme? On m’oriente vite sur le Burkina Faso.
Tiens…je me souviens que la thérapeute Anne Givaudan, dont je suis une fan, a monté un projet d’hôpital de tradi-practiciens au Burkina…Quel meilleur endroit pour rencontrer des femmes magiciennes?
Je contacte Anne Givaudan et les responsables de l’association au Burkina. Je commande mon visa, mais plusieurs retards me mettent la puce à l’oreille Le billet d’avion, que je tarde à prendre, est à quelques clics quand je m’écroule: un virus me force à rester allongée puis convalescente plusieurs mois. Déçue, je me fais une raison: les obstacles répétés pouvaient être une mise en garde. Qui sait si tout cela n’est pas une protection ? Je me soumets à Kairos, le dieu du temps parfait (à l’inverse de son collègue Kronos, dieu du temps linéaire et mesurable) et remets ce projet à plus tard, car l’été et ses grosses chaleurs arrive…
Le temps que la saison des voyages en Afrique revienne, je suis embarquée dans une autre aventure. Ce projet reste en friche, mais qui sait, il pourrait resurgir un jour…
Coucou me revoilà 🙂 Je suis étonné comme ton récit se termine brusquement… avec Anne Givaudan. Alors cela m’évoque simplement le dernier livre que j’ai lu d’elle « Ils voulaient un garçon », un livre où la femme, la féminité blessée et renaissante occupent une place centrale, un livre où l’héroine passe de pays en pays comme ton récit… Le livre m’a plu et il soulève des questions intéressantes. A relier avec ton récit ?
J’ai lu le livre d’Anne. Il m’a beaucoup touchée (et si on en faisait un film?…).
Je suis d’accord que l’histoire se termine brutalement. Le problème de santé qui m’a forcée à annuler le voyage était fulgurant et j’ai mis longtemps à m’en remettre.
Je ne sais pas comment réveiller un sujet qui dort….