J’ai dernièrement eu entre les mains « Le guide du scénariste » de C.Vogler.
Un paragraphe m’a spécialement marquée. Il y parle d’une des phases du « voyage du héros » (la structure classique des mythes, et des films hollywoodiens), la Résurrection, qui est celle qui suit l’épreuve suprême:
« Une des fonctions de la Résurrection consiste à débarrasser le héros de l’odeur de mort dont il est imprégné, tout en l’aidant à garder les leçons de l’épreuve. L’absence de cérémonies officielles pour fêter le retour des vétérans de la guerre du Vietnam et le manque d’assistance ont peut-être contribué au développement des terribles difficultés que ces soldats ont rencontrées lors de leur réinsertion dans la société. Les soi-disant sociétés primitives semblent mieux organisées pour préparer le retour des héros. Elles connaissent des rituels pour laver les chasseurs et les guerriers du sang et de la mort et leur permettre ainsi de redevenir des membres paisibles de la société. »
Je n’étais pas familière de cette notion mais cela tombe complètement sous le sens.
Dans cet article sur le site du Musée National des Amérindiens, on lit: « Pour les Amérindiens, revenir chez soi veut dire revenir dans un lieu – une terre, une communauté, une famille, une culture – dont l’on fait partie, avec lequel on a un lien particulier. Faire la guerre interfère avec la capacité de faire partie de ce lieu. Cela perturbe l’équilibre de la vie. C’est pourquoi les cultures amérindiennes avaient des cérémonies spéciales qui aidaient la vie du soldat à revenir à l’équilibre. » On y trouve des explications sur les manières dont différents peuples procédaient.
Les Etats Unis perdent tellement quand ils ne puisent pas dans cette sagesse. Et pourtant, comme cette citation de Jim Harrison dans La route du retour l’exprime si bien: «Peu de gens savent quels soldats enthousiastes et valeureux les Sioux ont été pour cette nation au cours des guerres de ce siècle. Si vous l’autorisez, l’ironie sous-jacente à ce zèle vous écrasera avec la subtilité d’un marteau de forge.»
Les Amérindiens faisaient la queue des heures pour s’engager pendant Seconde Guerre Mondiale, et s’indignant d’ailleurs, pour certains (« Depuis quand les Blackfeet doivent-ils s’inscrire sur une liste pour aller combattre?! »). Jusqu’à 97% de leurs hommes valides se sont enrôlés volontairement en 1942.
Le rôle du guerrier est de défendre, et c’est cet appel qui doit en attirer beaucoup vers ce métier. Mais notre société n’a plus de guerriers, elle a des soldats. Surtout pour les Américains, ils se retrouvent être des pions dans des jeux politico-économiques et leur désillusion doit être parfois, ou souvent, tragique (voir ici l’histoire d’un fils d’Allemand émigré aux Etats-Unis tentant de racheter la conduite de son père en partant… au Vietnam!).
L’importance d’accueillir les soldats au retour du combat est donc double: pour leur enlever la responsabilité des morts qu’ils ont causé au nom de la société qui les a envoyé au front, et pour les ré-intégrer comme membres de la communauté.
En France, malheureusement, nous n’avons plus de culture autochtone depuis très longtemps (où sont nos druides??). Pour accompagner le retour des soldats qui osent demander de l’aide, la sacro-sainte psychologie est encore une fois appelée à la rescousse comme unique solution. Insuffisante, à mon avis.
Une chamane m’a parlé il y a des années du lien particulier qui existe entre la France et les cultures amérindiennes. Elle a entendu que beaucoup d’Amérindiens s’étaient réincarnés en France, peut-être à cause des alliances qui ont existé entre nous au moments des guerres des colonies (NB: je ne crois plus en la réincarnation comme continuité littérale d’une identité d’un corps à l‘autre, mais cette interprétation aide à expliquer certaines choses).
Un chamane pourra-t-il frapper à la porte du Ministère de la Défense, ou faut-il laisser à chaque soldat son propre chemin, en faisant confiance à la vie qui prend soin de chacun à la hauteur de l’aptitude avec laquelle il est prêt à la recevoir?…