Critique originellement parue dans feu le web-zine L’Imaginarium
Enfin, enfin, enfin un film qui nous parle sans chichi et sans romantisme fleuri, mais avec honnêteté et humour, des hommes, des femmes, d’amour et surtout… du corps et de sexe.
Le voilà ! Le grand/gros mot. Celui que l’on fait semblant de nous montrer au cinéma, pour mieux nous rendre la chose impossible à vivre simplement. Nous connaissons par coeur les scènes convenues qui nous montrent les corps parfaits des doublures, et les visages des acteurs : portions de corps lascifs, jamais sauvages, éclairées à la lumière du feu de cheminée (bien sûr), mains qui glissent sur des peaux de satin, lèvres qui s’entrouvrent sur un soupir sagement enfoui sous la musique… Et ça nous énerve ! Mais le mystère est tellement grand, et la pudeur est tellement poussée, que nous n’avons droit qu’au suggéré, à l’esthétique. Ou à l’exact opposé. Inutile de compter sur le cinéma donc, pour nous initier à quoi que ce soit.
Pourtant ici, Jérôme Soubeyrand signe un film plein d’audace et de simplicité que, je le dis franchement, beaucoup de monde gagnerait à voir. Surtout ceux qui ont compté sur les magazines féminins pour leur apprentissage sous les draps (leurs chroniqueurs n’en savent pas plus que vous et moi, de même que leurs astrologues, mais je m’égare).
Dans Ceci est mon corps, on reprend tout à zéro avec Gabin (Jérôme Soubeyrand), un curé quinquagénaire qui joue le tout pour le tout en allant revoir incognito Marlène (Marina Tomé), une actrice rencontrée en stage de thérapie (!). Il débarque à Paris avec sa valise à roulettes, ses gilets tricotés et ses malaises vagaux. Il n’en démord pas : Marlène sera sienne, quelque soit les obstacles sur son chemin.
Sa persévérance de bulldozer affolé paye, car il parvient à s’incruster chez elle. Marlène, femme libérée avec sa pincette de vulnérabilité et de folie, aurait plus volontiers fermé la porte au nez de ce prétendant. Mais voilà, ses colocataires, aussi hauts en couleurs qu’elle peut l’être (l’excellent Christophe Alévêque et la rafraîchissante Laetitia Lopez), sont sous le charme de ce puceau maladroit aux yeux de Bambi. Le cheminement de Gabin, dans ce contexte tout sauf paroissial, est une éducation sexuelle et sentimentale aussi drôle que touchante. Autant pour les hommes que pour les femmes d’ailleurs.
Le réalisateur, qui joue le rôle principal, ajoute élégamment une dimension personnelle à son propos car parallèlement au récit, il évoque au travers d’entretiens (avec Michel Serres et Michel Onfray) le lourd conditionnement vis à vis de la chair qui nous date de St Paul. Il découvre aussi avec Bruno Clavier, grand spécialiste de la psychanalyse transgénérationnelle, un secret de famille pas piqué des hannetons, qui jette une lumière surprenante sur son processus d’écriture.
Pudique tout en étant osé, libératoire tout en évitant la vulgarité, distrayant et pédagogique, Ceci est mon corps est un petit film indépendant comme on les aime, et auquel je souhaite une jolie carrière. Carrière qu’il a d’ailleurs bien commencé, avec le Prix du public au Festival de Groland de Toulouse.